Les Vikings ne firent pas de quartier lorsqu’ils prirent d’assaut la ville de Nantes en juin 843, pas même lorsqu’ils trouvèrent des moines barricadés dans la cathédrale de la ville. « Les païens ont décimé toute la multitude de prêtres, de clercs et de laïcs », selon le récit d’un témoin. Parmi les victimes, qui auraient été tuées alors qu’elles célébraient la messe, se trouvait notamment un évêque qui fut canonisé par la suite.
Pour les lecteurs modernes, l’attaque semble monstrueuse, même selon les normes de la guerre médiévale. Mais le récit du témoin contient une bonne dose d'exagération, selon Anders Winroth, professeur d’histoire à Yale et auteur de l’ouvrage Au temps des Vikings publié en 2014. Cette exagération est souvent présente dans les écrits des Européens concernant les Vikings.
Lorsque l’on examine de plus près le récit de l’attaque de Nantes, « une image plus raisonnable émerge », écrit-il. Par exemple, après avoir déclaré que les Vikings avaient tué « toute la multitude », le témoin se contredit en notant que certains des clercs furent faits prisonniers. Et il restait suffisamment de personnes, parmi les « nombreux survivants du massacre », pour payer une rançon afin de récupérer ces prisonniers.
En bref, à part ignorer la règle implicite qui interdisait de traiter les moines et les prêtres d’une certaine manière, les méthodes des Vikings n’étaient pas si différentes de celles des autres guerriers européens de l’époque, affirme Winroth.
Par exemple, en 782, Charlemagne, qui est aujourd’hui dépeint comme le premier unificateur de l’Europe, fit décapiter 4 500 captifs saxons en un seul jour. « Les Vikings n’ont jamais atteint un tel niveau d'efficacité ».
L’HISTOIRE DES VIKINGS RACONTÉE PAR LEURS VICTIMES
Les Vikings étaient-ils vraiment cruels ? Les Vikings n’étaient pas plus assoiffés de sang que les autres guerriers de leur époque. Mais ils ont souffert d’une mauvaise image auprès du public, notamment parce qu’ils s’attaquaient à une société plus instruite que la leur et que, par conséquent, la plupart des récits les concernant proviennent de leurs victimes. De plus, les Vikings étant des païens, ils firent l’objet d’un récit chrétien qui les présentait comme une force extérieure maléfique et diabolique.
« Il y a cette idée générale selon laquelle les Vikings étaient un peuple attrayant et étranger, comme quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre de notre point de vue. Cela ne fait que poursuivre l’histoire racontée par les victimes à leur époque », explique Winroth.
En réalité, selon lui, « les Vikings étaient des sortes d’entrepreneurs du marché libre ».
Pour s’en assurer, des spécialistes soulignent depuis des dizaines d’années les aspects de la vie des Vikings qui vont au-delà de l’aspect guerrier que nous connaissons bien. Ils mettent donc en avant l’artisanat de ce peuple nordique, mais aussi leur commerce avec le monde arabe, leurs implantations au Groenland et à Terre-Neuve, l’ingéniosité de leurs navires et le fait que la majorité d’entre eux restaient sur place après les raids.
Après certains raids vikings, des hommes de Dieu allaient à la rencontre des villageois des environs pour exagérer les faits des Normands en les reliant à la religion. « Vous voyez, le mal sabbat sur vous. Les Normands sont venus piller la ville non loin de là. C'est un signe de Dieu, car vous n'avez pas été bon, soyez bon, croyez en Dieu et il vous protégera ». Ce genre de phrase aurait pu être entendu après les raids vikings, afin de terroriser la population et surtout de faire grandir la foi et leur allégeance à leur roi, leurs protecteurs.
LA VRAIE MOTIVATION DES RAIDS VIKINGS
Selon Winroth, les Vikings ne partaient pas au combat pour un amour irrationnel du chaos, mais plutôt pour des raisons pragmatiques, à savoir la constitution de fortunes personnelles et le renforcement du pouvoir de leurs chefs de clans. Pour preuve, de grand chefs vikings négocièrent ou tentèrent de négocier un paiement.
Par exemple, avant la bataille de Maldon en Angleterre, un messager viking débarqua et s’écria devant plus de 3 000 soldats saxons : « Il vaut mieux pour vous que vous évitiez ce combat en nous payant un tribut… Nous n’avons pas besoin de nous entretuer ». Les Anglais choisirent de se battre, et furent vaincus. Comme tout le monde, les Vikings préféraient gagner par la négociation plutôt que de risquer une défaite.
Tous les endroits attaqués par les Vikings ne furent pas décimés, malgré les nombreuses affirmations des scribes qui écrivaient « tout a été détruit ». Nous remarquons que Dorestad (un centre de commerce qui se trouvait dans ce qui est aujourd’hui les Pays-Bas) fut mis à sac quatre fois en l’espace de quatre ans à partir de 834, et qu’il continua malgré tout à prospérer. Les raids vikings étaient considérés comme des « frais généraux », et un bon nombre de commerçants qui faisait des affaires à Dorestad étaient sans doute des Viking.
Dans le même ordre d’idées, les Vikings étaient liés aux autres Européens. Dans les années 911, un Viking nommé Rollon, pilla les régions au nord de Paris et autour de la seine. Marre des raids sur son territoire, Charles le simple finit par donné à Rollon les terres Normandes, pour défendre ses terres contre d’autres raids vikings, ce qui était une pratique courante à cette époque. Rollon devint alors du de Normandie.
Les Nordiques étaient de prodigieux commerçants, vendant des fourrures, des défenses de morses et des esclaves aux Arabes en Orient. Winroth va jusqu’à affirmer que les Vikings apportèrent à l’Europe de l’Ouest un stimulant monétaire dont elle avait grandement besoin durant cette époque cruciale. Le commerce nordique permit une rentrée de dirhams arabes, ou de pièces de monnaie, qui contribuèrent à faciliter la transition vers une économie de commerce plutôt que de troc.
Mais certain spécialiste semblent affirmé que des petits groupes Viking était bien sanguinaire et très violent.
En l’an 806, par exemple, le massacre de soixante-huit moines sur l’île d’Iona, au large de l’Écosse, sema la terreur en Europe. Cette action visait à convaincre Charlemagne, entre autres, qu’il serait très coûteux pour eux d’étendre le christianisme en Scandinavie par la force.
Lorsque ses premiers travaux de recherche sur le droit ecclésiastique médiéval lui permirent de remporter la bourse MacArthur, attribuée sur cinq ans pour permettre aux lauréats de poursuivre et développer leur activité, il utilisa une partie des fonds pour se reconvertir dans l’étude des Vikings.
Lorsqu’on lui demande s’il pense que l’on risque d’aller trop loin dans la domestication des Vikings, Winroth répond : « Les domestiquer signifie les voir dans leur contexte ».
Pour un historien, le but est de replacer les gens dans le contexte de leur époque (et non dans le contexte de notre époque) cela permet de les humaniser. Et c’est un bien indéniable, même lorsqu’il s’agit de personnes connues pour leurs actes de pillage, de rapine et de massacre de moines.
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